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Manon : « Qui a découvert le Big Bang ? »
jeudi 4 novembre 2021, par
Yaël Nazé, Université de Liège
Tout a commencé il y a un peu plus d’un siècle. Un astronome américain, Vesto Slipher, prenait des photos des spectres des galaxies.
Un spectre, c’est un arc-en-ciel : il donne la distribution de la lumière en fonction de sa couleur. Et dans les spectres, on peut repérer certains éléments chimiques – en quelque sorte, le spectre est un code-barre qui te donne non pas le prix mais la composition de l’étoile quand tu le scannes. Normalement, ces signatures apparaissent à un endroit bien précis de l’arc-en-ciel mais Vesto, lui, remarque un truc étrange : il y a un décalage, un décalage vers le côté rouge.
Cela peut se produire quand une source lumineuse bouge, c’est ce qu’on appelle l’effet Doppler. Tu ne l’as peut-être jamais vu, mais tu l’as certainement entendu : c’est le niiiiiiiiaooooon des voitures qui te dépassent. La voiture qui approche a un son plus aigu, mais c’est plus grave quand elle s’éloigne – pour la lumière, « plus aigu » équivaut à « plus bleu », « plus grave » à « plus rouge ». Si ces galaxies présentent des décalages vers le rouge, c’est qu’elles s’éloignent toutes de la Terre.
En parallèle, Albert Einstein finalisait sa grande théorie de relativité générale. Des astronomes et physiciens ont alors appliqué sa théorie à l’univers entier. Mais ils ont trouvé quelque chose d’étrange : l’univers n’est pas stable, il doit gonfler, bref il est « en expansion ».
Parmi ceux qui ont trouvé cela, il y avait un prêtre belge, Georges Lemaître. Lui s’est dit que, si c’était vrai, ça devrait se voir. Il est alors tombé sur les décalages de Vesto Slipher. Et avec quelques calculs supplémentaires, il a montré que la théorie d’Einstein prédisait que les galaxies devaient s’éloigner avec une vitesse proportionnelle à leur distance, c’est-à-dire que plus les galaxies sont distantes, plus elles s’éloignent vite. Il a publié tout cela en 1927.
Deux ans plus tard, Edwin Hubble retrouvait la même proportionnalité entre vitesse et distance dans ses données, mais il ne fit pas le lien avec la théorie d’Einstein. Dans les années qui suivirent, lui et son assistant Milton Humason accumulèrent les données qui vinrent confirmer cette proportionnalité : on l’appelle aujourd’hui « loi de Hubble-Lemaître ».
Lemaître ne s’est pas arrêté là. Il a continué son raisonnement et s’est dit que, si ça gonflait aujourd’hui, l’univers avait être très petit autrefois. Mathématiquement, la théorie indique même un rayon nul à un moment : l’univers aurait alors un début ! En réfléchissant à la matière, à l’énergie et à leur comportement avec le temps, Lemaître imagine l’instant où il n’y en avait qu’un seul, qu’il appela « atome primitif ». Et c’est de là que part l’expansion de l’univers. Il publie cette idée en 1931.
Cette idée, cependant, ne plut pas à beaucoup de monde. Dès le départ en 1927, Lemaître parle de son raisonnement avec Einstein lors d’un congrès à Bruxelles et ce dernier ne se montre pas enthousiaste : « vos mathématiques sont correctes mais votre physique est abominable » lui lance-t-il… Einstein, en fait, ne pouvait imaginer l’univers que statique, et c’était le cas de nombreux astronomes alors !
Certains pensaient même qu’en fixant un début à l’univers, Lemaître ne faisait que « démontrer" la Genèse telle qu’expliquée dans la Bible et qu’il ne faisait cela que parce qu’il était catholique. Au fil du temps, certains se moquèrent même ouvertement de son idée. Un astronome anglais, Fred Hoyle, tourna un jour la chose en dérision à la radio en rebaptisant l’atome primitif « Big Bang ».
Lemaître, lui, séparait entièrement son travail scientifique de ses croyances – il appelait cela « les deux voies » : pour lui, son idée n’avait rien à voir avec la Bible !
Mais avec les moqueries, il s’est éloigné de l’astronomie, passant à d’autres recherches. Au fil du temps, différentes preuves d’un état dense de l’univers jeune ont été découvertes comme la présence d’un rayonnement fossile (une lumière émise 380 000 ans après le Big Bang) en 1965 ou l’importante abondance de l’hélium (un élément construit en grande partie peu après le Big Bang) dans les années 1950.
Mais si aujourd’hui l’idée de Lemaître est acceptée des astronomes, le nom initialement moqueur est resté : « Big Bang », c’était plus frappant qu’« atome primitif »…
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Yaël Nazé, Astronome FNRS à l’Institut d’astrophysique et de géophysique, Université de Liège
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.